D8k3 - Un salarié licencié avec préavis peut-il se voir obligé par son employeur de prendre son solde de congés pendant le préavis?

Il faut faire une distinction entre un congé demandé et accordé avant le licenciement avec préavis et une demande de congé effectuée après le licenciement avec préavis.

Congé demandé et accordé avant le licenciement avec préavis et tombant dans la période de préavis

  • Préavis sans dispense de travail

En cas de demande de congé accordée par l’employeur avant le licenciement avec préavis, le salarié bé    néficie bien évidemment de ce congé accordé se situant dans la période du préavis.

Nota bene

En cas de congé précédemment accordé par l’employeur à son salarié, ce congé ne pourra être annulé que d’un commun accord entre l’employeur et le salarié quelles que soient les circonstances à la base de l’annulation (cf. FAQ D8a24 ).

  • Préavis avec dispense de travail

Lorsqu’un salarié a été dispensé de prester son préavis et que la lettre de licenciement, respectivement le courrier accordant la dispense, ne se réfère pas au congé déjà accordé, les juridictions semblent trancher la question de manière différente.  

 

En effet, le tribunal du travail a retenu dans un jugement du 16 octobre 2017 qu’aucune des parties ne pourrait unilatéralement revenir sur des périodes de congé fixées et que « la dispense de travail n’a aucune incidence sur les jours de congé accordés auparavant ». En effet, selon ce jugement, les jours de congé fixés entre les parties avant le licenciement seraient maintenus, même pendant la période de préavis dispensé. (Tribunal du travail de Luxembourg, 16 octobre 2017, n°3355/17 du répertoire fiscale).

 

En revanche, la Cour d’appel a statué différemment dans un arrêt du 14 juin 2018. En effet, elle a retenu qu’« (…) une telle dispense de travail ne doit, conformément aux dispositions de l’article L.124-9 du Code du travail, pas entraîner une diminution des salaires, indemnités et autres avantages, auxquels il aurait pu prétendre s’il avait accompli son travail, de sorte que la demande de congé préalable au licenciement ne saurait valoir accord du salarié de prendre son congé au cours du préavis. » (Cour d’appel, 14 juin 2018, n°43703 du rôle)

 

Selon notre avis, la décision de la Cour d’appel devrait tout de même prévaloir comme elle émane d’une juridiction hiérarchiquement supérieure, de sorte qu’il ne semble pas être possible de fixer le congé pendant la période de préavis dispensé, ceci bien évidemment sous réserve d’un arrêt contraire.

Toutefois, lorsque l’employeur prévoit dans la lettre de licenciement, respectivement dans le courrier accordant la dispense, que le salarié n’a droit à la dispense de préavis qu’à condition de solder ses congés pendant son préavis, la jurisprudence récente semble trancher en ce sens que si le salarié ne se présente pas sur son lieu de travail pendant le préavis, sont comportement vaut acceptation tacite de solder son congé (Cour d’appel, 24 octobre 2024, n°CAL-2021-00515 et CAL-2022-00570 du rôle ; Cour d’appel, 7 mai 2015, n°40864 du rôle).

Demande de congé après le licenciement avec préavis

  • Préavis sans dispense de travail

Un salarié licencié avec préavis qui n'a pas encore pris la totalité du congé auquel il a droit, ne peut pas être obligé par son employeur de prendre les jours restants pendant son délai de préavis, à moins qu’il n’y consente.

Le congé étant fixé en principe selon le désir du salarié, celui-ci est libre de choisir s’il veut ou non prendre son congé pendant son délai de préavis.

Si le salarié souhaite prendre tout ou partie de son congé restant dû, il doit suivre la procédure de demande de congé applicable à l'entreprise.

L’employeur peut refuser la demande de congé si les besoins de service ou les désirs justifiés d’autres salariés ne permettent pas d’y réserver une suite favorable.

Dans ce cas, une indemnité correspondant au congé non encore pris sera versée au salarié au moment de son départ.

  • Préavis avec dispense de travail

Selon la jurisprudence, il n’est pas possible que le salarié fixe, après que le licenciement est intervenu, son congé pendant la période de préavis dispensé. En effet, selon la Cour d’appel, lorsqu’un salarié est dispensé de préavis, « il n’[a] d’ailleurs aucune raison de demander congé pour cette période. [..] vu qu’il [est] dispensé de prester son préavis, il [est] de toute façon libre de partir en vacances. » (Cour d’appel, 12 juillet 2018, n°40702 du rôle).

Nota bene

Il ressort également de la jurisprudence que sont nuls :

  • une demande signée par le salarié le jour même de la dispense afin qu’il liquide ses jours de congé durant la dispense (Cour d’appel, 7 juin 2018, n°45229 du rôle) ;
  • une clause contractuelle selon laquelle en cas de résiliation du contrat de travail, tous les jours de congé restant seraient automatiquement imputés sur la période de préavis, même dispensé (Cour d’appel, 12 juillet 2018, n°40702 du rôle).

Enfin, il appartient toutefois aux juridictions de statuer sur la nullité ou non d’un tel accord respectivement d’une telle clause contractuelle.

Attention

A noter finalement que la jurisprudence semble tenir compte de la situation particulière des entreprises soumises aux congés collectifs prévus par une convention collective (ou un avenant à la convention collective) déclarée d’obligation générale par un règlement grand-ducal. En effet, dans ce cas spécifique, la Cour d’appel a retenu que le salarié dispensé doit être traité comme tous les autres salariés de l’entreprise, de sorte que les jours de congé collectif doivent être déduits de son congé légal et ne seront pas indemnisés à la fin de la relation de travail. Admettre le contraire reviendrait selon la Cour d’appel à accorder au salarié dispensé un avantage par rapport à ses collègues du seul fait qu’il bénéficie d’une dispense de travail pendant son préavis.

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